Breaktime Feat.Diki Cho-Yang

Dure soirée en perspective. Assise sur son sofa, Diki reluquait avec envie sa bouteille de bourbon qu'elle n'avait plus touché depuis qu'elle avait avorté. Qu'on se le dise, sa journée auprès de la Coalition avait eu le don de la foutre en rogne pour un paquet de jours. Parce que Leo savait tout de sa vie, tel était le marché en acceptant de travailler avec lui la toute première fois. Le chef de ce groupuscule savait bien qu'elle sortait de l'hôpital, avec pour consigne de se ménager. Mais elle n'avait pas envie de rester chez elle, et ce malgré la douleur physique. Parce qu'elle se doutait de quelque chose oui. La népalaise enragée savait qu'elle passait forcément à côté de quelque chose de fort, de costaud... Mais par un procédé miraculeux qu'elle ne saisissait pas, Leo se faisait une joie de la laisser sur le carreau. Qu'il aille se faire foutre !

Affublée de sa robe fourreau aussi noire que son humeur de chien, elle quitta le salon et gagna les doubles portes plaquées or de son ascenseur privé. En dessous, au Black Lotus, la fête battait son plein. Les gens avaient un cruel besoin de s'enivrer d'alcool et de musique ces derniers temps. Elle n'irait pas jusqu'à remercier North et Markus pour leur méga merdier avec un double M... Mais une simple pensée vers ces pourris de dictateurs lui donnait bon espoir qu'un jour prochain, elle se baladerait avec leurs têtes au bout d'une pique. C'est sur cette délicieuse vision qu'elle s'engouffrait dans l'ascenseur, direction son temple de la luxure. Elle aimait profiter d'un peu de calme chez elle avant de s'exposer au tout-venant de Détroit. Les androïdes n'y avaient pas leur place, et avec le cordon de sécurité qui lui coutait suffisamment cher à l'année, elle pouvait se vanter d'être farouchement surveillée.

Elle fit claquer ses talons dans le couloir des employés, saluant au passage certaines de ses filles qui étaient de service. Son entrée dans la grande salle passa inaperçue, car la belle s'était sagement faufilée dans la pénombre, ignorant ainsi les spots de lumière afin de se fondre dans la masse jusqu'au bar. Son besoin d'alcool venait de tripler tout à coup, surtout lorsqu'elle vit son barman fétiche, celui au boule fabuleux qu'elle suivrait jusqu'au bout du monde. Ne sachant que boire, elle posa ses fesses sur un siège et observa les habitués, tout simplement. Et puis son regard se posa sur son voisin de gauche, un homme bourru qu'elle ne reconnaissait pas. Bonsoir... Vous êtes nouveau ici ? Lui aussi se prêtait au jeu en regardant partout autour de lui. L'aguicher de la sorte n'était pas du tout difficile. Elle lui fit son plus beau sourire, en croisant ses jambes avec une certaine délicatesse. Ses yeux perçants sertis de khôl ne mirent pas très longtemps à penser que l'homme à ses côtés ressemblait à s'y méprendre à un flic de Détroit. Mais s'il était ici, ce n'était pas par obligation, mais par choix.

Diki écouta l'homme lui conter qu'il venait ici pour la première fois. À entendre ses paroles, il trouvait le Black Lotus charmant. À deux reprises ? Elle s'en trouvait ravie la népalaise. Il est vrai qu'elle s'était toujours efforcée de rendre l'endroit aussi fou et pimpant que clinquant, juste assez pour donner envie à ses habitués de revenir soir après soir... Et s'ils pouvaient donner le mot et faire venir de nouvelles têtes comme celui-ci, elle ne s'en plaindrait pas, pour rien au monde. Ses yeux bridés se heurtaient au visage vieilli de son voisin de tabouret. Et plus elle l'observait, plus elle réalisait là qu'il était bien plus vieux qu'elle... Non ? Mais elle s'en fichait royalement. Tant qu'il n'était pas l'une de ces machines déviantes, elle accueillait quiconque voulait danser et se rincer le gosier au bar. Disons que je connais bien les lieux, dit-elle sur un petit ton énigmatique. Et pourquoi ne pas lui avouer de but en blanc qu'elle dirigeait cet endroit d'une main de maître ? Pas encore...

Elle se retenait de rire face à sa question un peu hasardeuse. Diki n'escomptait pas lui avouer qu'elle dirigeait ce night-club, pas aussi tôt dans la conversation. Et parce la belle appréciait cet instant d'anonymat lorsqu'elle participait à l'une de ses soirées. Elle se servait d'un pseudonyme pour passer inaperçue auprès des médias, surtout depuis l'annexion de Channel 16 par la Rébellion. Montrer son visage en dehors de la Coalition n'était plus permis, d'où cette obligation de taire son nom aux yeux de tous. Et tandis que l'homme optait pour une autre bière, elle en profitait pour vérifier où se trouvaient ses filles de joie. Certaines faisaient le service sur le dance-floor, d'autres se trémoussaient dans des cages au son de la musique. Son staff ne comprenait que peu de jeunes femmes belles et prêtes à tout pour travailler, et cela lui convenait bien amplement. Elle souriait la future quadragénaire, gardant ses jambes croisées et le buste légèrement en avant, délaissant un instant l'homme qui venait d'ingurgiter sa chope de bière trop vite qu'elle arqua un sourcil en le remarquant enfin. Et puis, sans prévenir ni même donner l'impression du contraire, il lui proposa tout simplement d'aller danser... Là tout de suite ! Avec une certaine élégance pour un homme de son âge. De nouveau tout sourire, elle dégagea ses fesses du tabouret et lui tendit sa main droite. Avec plaisir... Les haut-parleurs laissaient Armin van Buuren s'exprimer sur l'air enivrant de I need you to know que la blonde affectionnait tout particulièrement. Elle attendit qu'il s'en saisisse puis, sans attendre, elle entraîna son preux cavalier d'un soir au centre de la piste de danse, laissant ses pieds dicter la mesure, laissant ses bras se lever au dessus de sa tête, laissant son corps se mouvoir et onduler de telle façon à ce qu'il la remarque plutôt qu'une autre. Parce que c'était dans sa nature à la demoiselle. Celle de plaire le plus naturellement du monde... En jouant de ses atouts envers la gente masculine. Si seulement son frère pouvait être là pour la voir...

L'homme bourru avait une façon tout à fait atypique de bouger son corps sur la piste, mais la népalaise ne s'en souciait guère. Parce qu'elle prenait du plaisir à onduler ses hanches face à ce bel inconnu. Oui, elle le trouvait particulièrement beau. Malgré sa robe fourreau qui avait tendance à serrer légèrement ses cuisses, la belle avait mis de côtés ses tourments et semblait prendre bien du plaisir à danser sur ce son enivrant. Fox, Leo, la Coalition... Elle n'y pensait plus. Le groupuscule pouvait imploser ce soir, elle ne se déplacerait pas. Au contraire ! Elle lancerait une tournée générale pour fêter ça. Elle avait beau être l'un de ses meilleurs éléments, parfois elle se doutait que Leo se servait d'elle pour le sale boulot. Et puisqu'il avait décidé de lui cacher des choses depuis un moment déjà, même si elle lui devait rien, elle escomptait faire l'autruche et sortir la tête du sable lorsqu'elle l'aurait décidé. Mais pas avant demain.

Les haut-parleurs hurlaient Aloha désormais... Une toute autre ambiance avait pris place sur le dancefloor. Certains danseurs furent remplacés par d'autres plus enclin à écouter les paroles. Mais en ce qui concernaient la blondasse et son divin cavalier, ils n'allaient certainement pas bouger d'ici. Car l'homme avait pris le pas sur la mélodie et faisait tournoyer Diki en rythme. Il avait un sourire ravageur, elle ne s'en cachait pas la belle, au point de venir un instant effleurer son torse comme pour le provoquer juste un tout petit peu. Non, son peu d'hormones ne lui dictait pas de se jeter sur lui comme une tigresse en chaleur. Et de toutes façons, ses douleurs liées à l'avortement l'empêchaient catégoriquement de s'envoyer en l'air avec qui que ce soit ce soir. Et la prochaine fois que l'envie lui prendrait de s'accoupler avec un gars, elle n'allait pas oublier sa putain de pilule... Allons donc ! Comme si Diki était capable de suivre cette doctrine stupide d'avaler un cachet blanc miraculeux ! Lorsque la musique prit fin, elle s'approcha de l'homme et lui déposa une bise sur la joue, avant de le laisser et de regagner le bar. Bien entendu, elle s'attendait à le voir revenir à elle oui. Une habitude chez la plupart de ses clients qui avaient la chance ultime de côtoyer la patronne du Black Lotus sans le savoir. Elle posa son boule sur un tabouret et, alors qu'elle n'avait pas le droit de boire de l'alcool... Une téquila mon chou ! demanda t'elle à son barman fétiche. Elle haussa les épaules dans sa tête. Son train de vie jonché de merdes en tout genre était bien plus dangereux que d'avaler un peu de tequila !

Diki pouvait se vanter d'avoir un sex-appeal assez développé. Car ses attentes furent comblées par le retour de son cavalier au bar, qui reprit sa place originelle avant de se payer une autre bière. Non, il était flic. Définitivement. Néanmoins, elle attendit qu'il soit servi avant de lever son verre et de trinquer avec lui. Tchin ! dit-elle. Corona s'en était allée pour un bon vieux Michael Jackson sur un air de Smooth Criminal. Le Black Lotus avait la réputation de passer des playlists toutes aussi variées les unes que les autres, sans parler des soirées à thèmes où la blonde se faisait un malin plaisir de se fondre parmi les nombreux invités, comme si elle découvrait ce night-club branché pour la toute première fois. Ses yeux se braquèrent sur son buveur de bière. L'envie de jouer avec sa moustache la démangeait plus que tout. Elle se ravisa de justesse et préféra lui tenir la conversation, surtout sur sa faculté à l'avoir fait tournoyer sur la piste. Je dois avouer que vous avez un sacré déhanché. Diki porta ladite téquila à ses lèvres et se délecta d'une gorgée, sentant le liquide doré se frayer un chemin dans sa gorge. Ce geste lui causa un spasme qu'elle cacha sans le moindre complexe... De là à dire qu'elle s'en foutait, il n'y avait qu'un pas. Elle devait sa débauche à son paternel. S'il ne l'avait pas maltraitée, elle n'aurait jamais intégré un orphelinat, ni une famille d'accueil pro-androïdes. Elle n'aurait pas fugué, et n'aurait pas intégré la Coalition et... Putain de merde ! Était-ce forcément nécessaire de penser à un défunt dans un moment pareil ? Où avez-vous appris à danser comme ça ? demanda t'elle en ancrant son regard dans le sien. Ses mots dépassèrent sa pensée initiale d'envoyer valser ses démons. Elle s'intéressait d'un petit peu trop près à cet homme bourru qui devait se demander ce qu'une femme comme elle pouvait lui trouver. La réponse ? Un certain charme. Quoi ? Et pourquoi pas ? Qu'y avait-il de mal à cela ?

Diki arquait un sourcil et sourit franchement à ce bel homme lorsqu'il lui retournait son compliment d'origine. Effectivement, elle avait cette capacité innée à bouger son corps sur la piste de danse... Au point qu'elle faisait parfois perdre la tête de certains messieurs trop enivrés à son goût. Malgré tout, elle l'observait oui, et constatait qu'il pouvait remercier ses plus jeunes années de fiesta. Ah vraiment ? Elle acquiesça tout simplement, portant à ses lèvres une nouvelle lampée de tequila bien méritée. Navrée pour toi sale opération, mais la népalaise avait décidé de t'ignorer pour la soirée... Et puis, c'est avec une bonne surprise que son fier cavalier l'interrogea sur sa faculté à elle de savoir danser, en l'occurrence si elle avait appris au Black Lotus. En un sens ? Oui. J'ai eu ma mère comme modèle, mais c'était il y a longtemps. C'était bien plus subtil que cela. Elle ne voulait pas tergiverser sur ce sujet oh combien épineux à ses yeux. Depuis sa fugue quatorze ans plus tôt, elle ne leur avait plus jamais adressé la parole, et se faisait même passer pour morte et enterrée. N'importe qui la pointerait du doigt Diki, parce qu'elle n'était carrément pas redevable envers ce gentil couple qui l'avait sortie de son orphelinat minable pour lui offrir une bien meilleure vie oui. Admettons qu'elle leur en voulait toujours à cause du premier androïde acheté. Pour faire plaisir à leur fille chérie ? À d'autres. Sa mère faisait une fixette sur ces jouets en plastique, au point d'avoir convaincu son mari d'en prendre un seul. Au point d'avoir dilapidé leurs économies pour cette sale merde industrielle qui tombait en panne dès que leur fille adoptive le poussait dans les escaliers par déviance. Un sacré numéro là ! Mais ils continuaient ses parents, inlassablement, de le faire réparer, de lui accorder de l'importance, au point qu'ils éludaient la seule et unique enfant qu'ils n'auraient jamais plus. Un passé qu'elle ne voulait pas voir resurgir dans un instant pareil. Parce qu'elle risquait de virer au rouge. Et l'homme ne méritait pas son humeur de chienne enragée... Finalement, elle déposa sa tequila sur le comptoir et prit une main de son voisin. Appelez-moi Red. Une présentation officieuse de son nom de scène officiel. Miss Red, la reine de la nuit ici. Mais puisqu'il était nouveau en ces lieux, il ne pouvait connaître sa réputation. Ce serait trop facile. Elle se pencha un peu et lui déposa une bise amicale sur sa joue. Toujours sur le qui-vive la blonde !

Diki retint un profond soupir. Si elle avait eu de la chance d'avoir eu sa mère adoptive comme modèle de danse ? À l'époque oui, désormais tout était assez relatif. De toutes manières, elle se foutait de savoir ce qu'elle devenait... Elle comme son mari insipide. Elle finit par se présenter auprès de l'homme comme étant Red, alias Miss Red pour celles et ceux qui savaient qu'elle était la patronne ici. Lui fit l'effort de lui dévoiler son prénom. Et là, la népalaise eut un sourire franc tandis qu'ils se serraient la main. Hank... @Hank Anderson ! De la DPD ? Elle savait qu'il avait des allures de flic, elle ne s'était pas trompée. Mais par politesse, elle n'en dit pas un mot, préférant accepter sa proposition pour une ultime danse sur un air de Kyo qui criait dans les haut-parleurs. Le hasard, sans nul doute. Vous me feriez un immense honneur, Hank, dit-elle alors. Est-ce qu'elle exagérait un peu ? C'était certain, mais la blonde aimait jouer sur les compliments avec la gente masculine. Alors elle se laissa guider sur la piste et colla son corps à celui du bel homme. Elle voulait que cela soit un slow, tout simplement. Pour oublier l'espace de quelques minutes encore sa simili vie de tortures, ses merdes ainsi que sa grossesse indésirée dont elle avait su quoi en faire à temps. Une poignée de secondes propices à la relâche, à la détente et au laisser-aller sans aucune gêne... Mais la chanson touchait déjà a sa fin, à cet instant où la belle dut se défaire de son cavalier oh combien chaleureux à son égard. Et puis subtilement, elle lui glissa là un mot à l'oreille. Je dois filer. Merci pour tout Hank. Revenez quand vous voulez. Était-ce volontaire ? De lui avoir avoué à demi-mot qu'elle était la boss des lieux ? Elle lui déposa une énième bise sur la joue et tourna les talons vers le couloir des employés. Elle ne finirait pas cette tequila, c'en était trop pour son organisme... Diki n'aspirait qu'à ses draps de satin et à une douce nuit... Comme si elle en était capable.